Le
contrôle fiscal de comptabilité
Place à la transparence
Une vingtaine de professionnels du chiffre et du
droit a participé au petit déjeuner initié par notre
hebdomadaire, représenté par Françoise Laveuf, directrice
déléguée et l'association des avocats spécialistes
en droit fiscal au barreau de Nice, présidée par
Maître Michel Babled. Cette séance est consacrée
au contrôle fiscal développé par Maître Jean-Marie
Pozzo di Borgo et à l'examen des situations
fiscales personnelles développé par Maître Stéphane
Cohen.
Après avoir débuté son exposé en citant l'article
L 10 et l'article L 13 du Livre des Procédures Fiscales
(LPF), Maître Jean-Marie Pozzo di Borgo a exposé
le déroulement des opérations de vérification de
comptabilité en rappelant qu'une telle vérification
exige une confrontation des renseignements extra-comptables
aux données comptables qui se trouvent à la base
des déclarations souscrites. Le champ d'application
de la vérification de comptabilité est légalement
limité à trois points précis : les bénéfices industriels
et commerciaux, les bénéfices agricoles et non commerciaux
et, enfin, les taxes sur le chiffre d'affaires.
Par contre, l'administration ne peut recourir à
la vérification de comptabilité pour les catégories
de revenus pour la détermination de laquelle les
contribuables ne sont pas tenus à une comptabilité
(traitements et salaires, revenus fonciers).
Le contrôle inopiné
Une vérification ne peut être engagée sans que le
contribuable dispose d'un délai suffisant pour faire
appel à un conseil. Toutefois, selon l'article L
47 du LPF, alinéa 4, les contrôles inopinés tendent
à la constatation matérielle et physique de l'exploitation
et de l'état des documents comptables. En résumé,
ces simples constatations se distinguent de l'examen
critique des documents comptables et du rapprochement
de ces derniers des déclarations souscrites par
le contribuable.
Le
contrôle inopiné doit débuter par la remise
en main propre au contribuable de l'avis de
vérification. Il se déroule en présence du
contribuable ou de son représentant. A l'issue
de ce contrôle inopiné, un procès verbal est
dressé contradictoirement.
Dans le cadre d'un contrôle de vérification
comptable, différentes garanties sont offertes
aux contribuables.
Quelles garanties offertes aux contribuables
?
Pour aviser le contribuable vérifié, l'administration
fiscale lui adresse un avis de vérification
auquel est joint la charte du contribuable
vérifié.
Parmi
les mentions de l'avis de vérification, certaines
sont requises par la loi sous peine de nullité
: la mention informant le contribuable des
années vérifiées et de la faculté de se faire
assister d'un conseil de son choix. D'autres
sont facultatives comme les mentions des impositions
vérifiées et des voies de recours offertes
au contribuable avant et pendant le contrôle.
L'avis de vérification doit donc préciser
les années vérifiées, il s'agit d'une mention
substantielle. |
Le
poids de l'article L 16 B
Maître Jean-Marie Pozzo di Borgo a terminé
son exposé en faisant référence à l'article
L 16 B du LPF qui autorise l'administration
sous certaines conditions à rechercher
la preuve d'agissements délictueux du
contribuable en effectuant des visites
en tous lieux même privés où des documents
sont susceptibles d'être détenus. En
vertu de cet article, l'administration
est fondée, sous réserve de l'autorisation
du président du tribunal de grande instance,
à procéder à la saisie de toutes pièces
susceptibles d'être détenues. L'avocat
rappelle que les garanties ci-dessus
énumérées ne sont dès lors pas opposables
à l'administration dans le cadre de
la mise en jeu de cet article. Ces garanties
ne seront à nouveau effectives qu'à
partir du moment où l'administration
débutera ses opérations de vérification
proprement dites. |
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Une
vérification de comptabilité peut sans irrégularité
porter sur une année non mentionnée dans l'avis
de vérification dès lors que le contrôle n'a entraîné
aucune imposition supplémentaire au titre de cette
année. L'avis de vérification est adressé au domicile
du contribuable, au lieu du principal établissement
ou au lieu de direction effective.
L'administration fiscale a obligation d'indiquer
au contribuable qu'il peut se faire assister d'un
conseil mais n'est pas tenue d'inviter ce conseil.
Un devoir d'information
L'administration fiscale a obligation dans sa notification
de redressements de mentionner le montant des droits,
taxes et pénalités. Elle doit par ailleurs informer
le contribuable lorsqu'elle envisage d'accorder
un échelonnement des mises en recouvrement et le
bénéfice d'une transaction. L'inobservation de l'obligation
d'indication du montant des droits et pénalités
rend les impositions irrégulières.
Durées
de vérifications limitées
Selon
l'article L 52, la vérification sur
place des livres comptables ne peut
dépasser 3 mois pour les contribuables
dont le chiffre d'affaires n'excède
pas certains seuils fixés en fonction
de la nature de l'activité exercée.
A savoir : 763 000 € pour les entreprises
industrielles et commerciales et les
fournitures de logements, 230 000 €
pour les prestataires de services et
les activités non commerciales et 274
400 € pour les entreprises agricoles.
Le délai de 3 mois a pour point départ
la première intervention sur place (en
cas de contrôle inopiné, la première
intervention est celle fixée par l'avis
de vérification). La date d'achèvement
de la vérification est comme nous l'avons
vu une question de fait. Le défaut ou
l'inobservation de ce délai de trois
mois entraîne la nullité absolue des
impositions. |
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L'administration
fiscale doit notifier au contribuable
les résultats de la vérification mais
également préciser la procédure suivie
: procédure contradictoire, taxation
d'office ou absence de redressement.
L'avis d'absence de redressements est
obligatoire quelle que soit la procédure
employée et doit être adressé dès qu'aucun
redressement n'est envisagé.
L'interdiction de renouveler une vérification
de comptabilité (article L 51) pose
le problème de la date d'achèvement
de la vérification de comptabilité.
Le débat oral et contradictoire
Il y a nécessité d'un débat oral et
contradictoire sous peine d'irrégularité
de la procédure. Les échanges écrits
entre le vérificateur et le contribuable
ne peuvent pas tenir lieu de débat oral
et contradictoire. La présence physique
du vérificateur doit être suffisante
pour que le débat oral et contradictoire
puisse exister. Cette notion de débat
oral et contradictoire est une notion
de fait. La charge de la preuve de l'absence
de débat oral et contradictoire avec
le vérificateur incombe au contribuable.
Dès lors que la vérification de comptabilité
s'est bien déroulée au siège de l'entreprise,
il appartient au contribuable d'en apporter
la preuve de démontrer que le vérificateur
se serait opposé à tout échange de vues.
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En
terme de garanties contre les changements de la
doctrine administrative, Maître Jean-Marie Pozzo
Di Borgo a cité deux articles. A travers l'article
L 80 A, il apparaît que " aucun rehaussement ne
pourra être effectif si ce rehaussement est un différend
sur l'interprétation par le redevable du bien-fondé
du texte fiscal. Par texte fiscal, il faut entendre
circulaires administratives, instructions, réponses
ministérielles, décisions individuelles ". De son
côté l'article L 80 B est applicable lorsque l'administration
fiscale a pris formellement position sur l'appréciation
d'un texte fiscal ".
En matière de déductions en cascades, le supplément
de droits simples d'une vérification versés peuvent
être déduits des rehaussements apportés aux bases
d'autres impôts vérifiés : cascade simple ou cascade
complète (art. L 77 à L 79). La cascade simple est
automatique sauf renonciation exprès du contribuable
contrairement à la cascade complète qui ne peut
s'appliquer que sur demande de l'entreprise.
Après avoir exposé les garanties offertes aux contribuables
vérifiés, Maître Jean-Marie Pozzo di Borgo s'est
attaché à conseiller à son auditoire d'épuiser toutes
les voies de recours hiérarchiques (chef de brigade,
interlocuteur départemental) avant toute procédure
contentieuse. Il a également rappelé que les comptes-rendus
de réunion avec l'inspecteur vérificateur pouvait
se révéler utile dans le cadre d'une éventuelle
procédure.
L'examen
de la situation fiscale personnelle
Quels signes extérieurs de richesse ?
"
Sur les dix dernières années, l'administration
dispose de moyens de plus en plus fins pour
rechercher la cohérence d'une déclaration
fiscale et déclencher, si nécessaire, un Examen
de la Situation Fiscale Personnelle (ESFP)
" a rappelé Me Stéphane Cohen.
Plusieurs éléments expliquent le déclenchement
d'un ESFP. Quand le contrôle de comptabilité
d'une société aboutit à un rejet de comptabilité,
dans un grand nombre de cas, l'employeur fait
l'objet d'un ESFP. De même, les salariés qui
optent pour les frais réels sont davantage
suivis.
L'ESFP permet de vérifier la cohérence des
déclarations fiscales par rapport aux informations
dont l'administration dispose à partir d'autres
sources (impôt de toute nature) et en relation
avec votre train de vie.
L'administration peut à tout moment, adresser
au contribuable une demande d'éclaircissement
ou de justification concernant ses revenus,
ses encaissements ou ses éléments de train
de vie.
Le contribuable dispose alors d'un délai de
60 jours pour y répondre.
A défaut, ou si les réponses lui semblent
insuffisantes, l'administration lui adressera
une mise en demeure imposant au contribuable
une réponse sous 30 jours.
Le défaut de réponse ou l'insuffisance de
réponse à cette mise en demeure offre alors
à l'administration la possibilité de procéder
à une taxation d'office.
Pouvant se dérouler en divers lieu (chez le
contribuable, chez le conseil ou dans les
locaux de l'administration), l'ESFP aboutit
à l'établissement par le contrôleur d'une
balance de trésorerie. Cette dernière a pour
objet de contrôler l'ensemble des écritures
enregistrées au crédits de divers comptes
bancaires (dont notamment les comptes-joints),
de façon à pouvoir comparer le cumul de ses
crédits avec les revenus effectivement déclarés.
L'excédent de crédit enregistré sur le revenu
déclaré constitue alors pour l'administration
une présomption de revenus non déclarés qu'elle
taxera en revenu d'origine indéterminée.
Il est alors indispensable de s'assurer que
l'établissement de cette balance de trésorerie
aura extourné l'ensemble des opérations de
compte à compte, de sorte qu'une même somme
virée de l'un des comptes du contribuable
à un autre de ses comptes ne soit pas considérée
par l'administration comme un revenu imposable
supplémentaire.
En contrepartie de ce droit de contrôle de
l'administration, le contribuable dispose
de certaines garanties. Il s'agit, en particulier,
de la durée de l'ESFP, qui sauf exception
est limitée à 12 mois. De plus, l'administration
a l'impossibilité de contrôler une deuxième
fois pour les mêmes revenus une année ayant
déjà fait l'objet d'un contrôle. Une dérogation
est cependant possible en cas d'éléments nouveaux
découverts a posteriori par l'administration.
Autre garantie possible pour le contribuable
: les changements de doctrine de l'administration.
Elle permet, par exemple au contribuable,
de se prévaloir de la doctrine fiscale en
vigueur au titre de l'année en vigueur au
titre de l'année faisant l'objet d'un contrôle.
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Fabrice
Leru
un
dossier réalisé en partenariat avec
03/2002